Le « village d’insertion » de Saint-Ouen avait
ouvert ses portes en 2008 pour qu’elles enferment, avec les murs entourant ce
terrain de la zone des docks, une réalité qu’on ne saurait montrer au grand
jour. Seulement, les vivres étant coupés, le gestionnaire de ce « village »
association logement jeunes (ALJ) 93 a cessé son activité. Pas grand monde pour
pleurer sur cela, tant ces cinq ans ont été un véritable test à la flexibilité
de l’échine des « pris en charge », soit 19 familles. Au bout de cinq
ans donc, avec des financements conséquents dont 75% sont alloués à la
surveillance et au gardiennage (dans les prisons, ce poste budgétaire
représente environ 37% seulement du budget), la matière première que sont les
Rroms est abandonnée est invitée à quitter les lieux. Le comité de pilotage avait
prévenu à plusieurs reprises depuis la fin 2012 de cette fermeture.
Le bilan laisse songeur : 4 familles seulement sur 19 ont
pu trouver une vie autonome. Quatre autres ont été transférées dans le « village
d’insertion » d’Aubervilliers, géré lui aussi par la même ALJ 93. Quatre
autres ont été virées pendant le projet, pour des raisons que nous ne
connaissons pas de manière précise, mais dont on peut supposer qu’elles aient
eu un lien avec le respect des règles drastiques de ce centre fermé (on ne
pouvait pas y recevoir de la visite p. ex., y compris de sa famille proche).
Enfin, sept familles devaient avoir quitté les lieux jusqu’à ce mardi 16
juillet, sous la menace d’une intervention de la police pour les déloger.
Des membres des associations La voix des Rroms, Rromeurope
et Terne Roma se sont rendus sur place depuis hier et certains y sont restés
jusqu’à aujourd’hui après-midi. La demande de Mme. Marie-Louise Mouket de virer
le président de La voix des Rroms n’a pas été exécutée par le gardien, employé
d’une entreprise privée qui a répondu clairement qu’il ne gardait pas une
prison et que les habitants pouvaient recevoir les personnes qu’ils voulaient.
Sans doute Mme. Mouket se croyait-elle avec les vigiles employés par l’ALJ, qui
exécutaient à la lettre les règles drastiques de ce centre fermé comme les
ordres du pouvoir hiérarchique qu’elle avait sur eux. Les agents de la police
municipale arrivés quelques minutes plus tard, apparemment à sa demande, n’ont
pas fait plus qu’annoncer une énième fois l’expulsion du lendemain. Raté ça
aussi, car en tant que policiers municipaux ils ne peuvent intervenir que pour
des infractions au code de la route ou aux arrêtés municipaux. Aujourd’hui, une
autre patrouille est repassée pour constater avec surprise que la police
nationale n’était pas intervenue non plus pour expulser les occupants. Mme.
Mouket avit reçu aussi deux représentants de la ville en fin de matinée, dont
le directeur général adjoint M. Mario Salvi, sans qu’il y ait de discussion
avec les occupants, quelque peu en colère de cette pression.
Cet après-midi, M. Mario Salvi est revenu en compagnie de M.
Attal, lui aussi employé de la ville, pour constater encore une fois la
détermination des habitants dont les rapports des « spécialistes de l’insertion »
de l’ALJ disent qu’ils n’ont « pas répondu aux critères de volonté d’intégration ».
Pourtant, tous les enfants, scolarisés, parlent un français parfait, et une
majorité d’adultes ont une maîtrise satisfaisante de cette langue. Beaucoup ont
déjà des autorisations provisoires de séjour, certains ont des contrats de
travail (dont un CDI, cette vieille chose qu’on ne voit plus souvent), et deux
ont créé des petites entreprises. L’un d’entre eux a déclaré aux représentants
de la ville qu’il s’était vu déchirer le K-bis par les « accompagnateurs »
qui le « prenaient en charge », sous prétexte que cela n’était « pas
intéressant » pour lui. Et des exemples similaires de bon « accompagnement »
il y en a eu d’autres. Il ressortait de ces échanges que si la réussite du
projet n’est pas au rendez-vous, ce n’est certainement pas faute d’efforts des « accompagnés »,
mais plutôt faute de volonté réelle de l’ « accompagnant ». Quoi
qu’il en soit, les représentants des associations Rromeurope et La voix des
Rroms ont exprimé leur souhait de remettre tout à plat et de partir sur de
nouvelles bases pour que ces 7 familles réussissent leur parcours. Si l’objectif
est partagé par la ville de Saint-Ouen, elle demande que l’Etat soit impliqué
dans cette démarche. Logique, et pas exclusif de l’implication de la ville
aussi. Il est vrai, cinq ans sont passés sans grand résultat, mais ce n’est pas
une surprise. C’est la méthode qu’il faut changer, et fondamentalement. Ces
familles ne doivent plus être considérées comme des objets d’une action
sociale, mais comme des actrices de leur propre vie, de leur propre progrès. En
un mot, se prendre en charge pleinement dans la mesure de leurs moyens, qui ne
doivent pas être étouffés, mais étoffés par les efforts de la ville, de l’Etat
et de tous ceux qui le peuvent. Le propriétaire du terrain (la société Sequano)
aurait entamé une procédure en justice pour obtenir l’expulsion des familles,
selon les représentants de la ville de Saint-Ouen. Procédure que les habitants
devraient affronter et dans laquelle nous les appuierons dans toute la mesure
du possible. Reste cependant que si une expulsion devait avoir lieu, la ville
ou l’Etat devraient mettre à disposition d’autres terrains ou immeubles pour
loger ces familles et dans tous les cas, un vrai travail commun et basé sur le
respect de tous. Les vendeurs d’insertion partis, le progrès peut désormais
commencer. La balle est revenue dans le camps des autorités.
Bonjour, Madame Voix :
RépondreSupprimerJe ne sais pas quels sont les lecteurs que vous souhaitez informer, mais qu'est un K-bis?
Merci Pomme de terre! Le K bis est un numéro d'immatriculation d'une entreprise.
RépondreSupprimerC'est moi qui vous suis reconnaissant des informations de votre blog1125
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