vendredi 24 juillet 2015

destruction du bidonville de "la folie" et de "la vie qui va avec" : témoignage.


Témoignage de Baptiste PASCAL D’AUDAUX, qui raconte la journée du 21 Juillet. Médiateur scolaire à l'ASET 93, l'auteur de ce récit tient à préciser clairement que ce témoignage n'engage que sa personne. 

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Le tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné le 1er décembre 2014 l’évacuation du bidonville de la Folie à Bobigny, en donnant un délai jusqu’à la fin de l’année scolaire.

A partir d’une semaine avant l’expulsion la police est passée tous les jours sur le terrain pour prévenir les familles de l’expulsion prévue le mardi 21 Juillet au matin.

Lundi 20 

J’étais présent et ai pu échanger avec les policiers demandant aux familles de faire leurs bagages, les prévenant que le lendemain ils n’auraient pas le temps de rassembler leurs affaires.

La sénatrice Aline Archimbaud a eu le préfet Normand (directeur du projet "campements illicites" à la préfecture de la région IdF) au téléphone pour lui demander d’appliquer la loi de mise à l’abri des personnes. Il lui a affirmé qu’il ferait le point avec le préfet Galli.

Mardi 21 


            Avant l’arrivée de la police 

Il restait une cinquantaine de personnes sur le terrain. Les autres étaient partis les jours précédents. Une trentaine de militants étaient aussi présents; merci à eux, vraiment.

Les familles aidées par les volontaires des "Enfants du canal" essayaient de joindre le 115. La coordinatrice du projet Romcivic a parlé avec une personne du 115 pour lui expliquer la situation. La personne du 115 lui a demandé de ne plus appeler le temps qu’elle contacte la Drihl pour savoir si des solutions de mise à l’abri étaient prévues. 15 min plus tard confirmation du 115 que la DRIHL n’a rien prévu.

Vers 10h30 policiers et gendarmes mobiles sont arrivés, je dirais au moins 50.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis M. Galli était là en personne et a beaucoup parlé avec la presse.
Le préfet délégué à l'égalité des chances M. Leschi était également présent.

             La question du relogement 

Des travailleurs sociaux mandatés par la Dihal sensés trouver des solutions pour les cas d'urgence (dixit le préfet Galli) étaient présents. Ce n’est que 25 min après l’arrivée de la police que j'ai été informé qu’ils étaient présents. Ces trois travailleurs sociaux attendaient patiemment au côté des CRS et ne voulaient parler qu’à un autre travailleur social...
Si nous n'étions pas intervenus ils n'auraient rien fait!

Ils m’ont demandé de leur signaler les cas les plus fragiles. Ils n’avaient absolument rien à proposer si ce n’est de piocher dans les hébergements 115. Le seul message qu’ils m’ont fait passer est qu’il fallait se dépêcher (sic) et que plus je donnais de noms moins de personnes seraient prises en charge.

Ils ont recensé les cas suivant :

- Une femme célibataire enceinte de 7 mois et sa grand-mère malade
- Un couple avec deux enfants de 5 et 10 ans
- Un couple avec deux enfants de 2 et 3 ans.
- Un couple âgé.

Ils ont refusé de me donner leurs coordonnées, j’ai donc donné les miennes pour faire le lien avec les familles contre la promesse de leur appel.

Tiraillé entre le sentiment de faire le boulot de sélection à leur place et la volonté d’aider les personnes les plus vulnérables présentes au moment de l’évacuation, j’ai joué le jeu avec un pragmatisme qui me rébute.

            Une après-midi d’errance 

La police a poussé les personnes restantes le long de la N3 jusqu’après le pont de chemin de fer pour, je cite, éviter les suicides.

Grâce aux volontaires des Enfants du canal et à M. B. la vingtaine de personnes restante, dont 7 enfants,  ont été manger et se reposer dans le parc de la Villette.
Pendant ce temps là, la coordinatrice du projet Romcivic a téléphoné au SIAO 93, au SIAO urgence, au SIAO famille, etc, sans aucun résultat.

J’ai réussi à joindre le 115 du 93. Ils m’ont confirmé que la DRIHL avaient bien transmis la liste faite le matin. MAIS, contrairement à ce que j’avais compris le matin, les familles n’étaient AUCUNEMMENT prioritaires, simplement inscrites au 115 comme après un simple appel téléphonique.

            La nuit dans le parc de la Bergère à Bobigny 

Aux alentours de 17h nous avons expliqué aux familles que nous n’avions plus rien à leur proposer, si ce n’est d’attendre l’éventuel coup de fil du 115 pour les personnes listées.
Elles ont choisi de rejoindre la quinzaine de personne qui a passé la journée dans le parc de Bobigny.

Je les ai quitté à 19H30, ils s’apprêtaient à y passer la nuit.

            Bilan de l’intervention de la DRIHL 

Seule une famille a obtenu un hôtel à 20h, mais aucunement du fait de l’intervention de la DRIHL, simplement car ils ont régulièrement un hôtel, ceci depuis bien avant l'expulsion. 

La femme enceinte, le couple de personnes âgées et la famille avec enfants de 2 et 3 ans ont dormi dehors aux côtés d’autres familles qui étaient parti avant que nous apprenions la présence de la Drihl lors de l’expulsion.

Une trentaine de personne a dormi dehors, une dizaine d’autres dans leur voiture. Apparemment certains des Roumains qui habitaient à La Folie auraient rejoint un bidonville à Montreuil.

Je m’en veux de n’avoir pas été plus exigent auprès de la Drihl, et de les avoir cru, mais entre les CRS, les caméras et les bulldozers la discussion fut brève.


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