La Voix des Rroms a reçu le Représentant
Régional pour l’Europe du Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU. Dans les prochains jours, elle entend saisir le Rapporteur Spécial de l’ONU pour les formes contemporaines du racisme, en lui demandant de faire un appel urgent envers la France.
Le 10 Septembre dernier, les membres de La Voix des Rroms, en partenariat avec
le Réseau Européen des Organisations rroms, dit ERGO, recevait le Représentant Régional pour l’Europe du Haut
Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU,
M. Jan Jarab.
M. Jarab rencontrait
également la veille le préfet Alain Regnier, (Délégué interministériel à
l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logés),
ainsi que le Défenseur des Droits, M. Dominique Baudis, afin de mesurer les
efforts entrepris par le gouvernement français en vue de
« l’intégration » des Rroms migrants vivant en bidonville.
Le 9 septembre, la Haut
Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Navanethem Pillay, a exprimé ses
soucis concernant la politique des évacuations forcées dans son discours au
Conseil des Droits de l’Homme à Genève.
Elle a également évoqué les résultats du rapport du Défenseur des Droits sur la
mise en œuvre de la circulaire du Gouvernement d’aout 2012 (concernant les
évacuations forcées), invitant le Gouvernement de suivre les recommandations du
Défenseur.
L‘équipe de La Voix des Rroms
a ainsi conduit un jour durant M. Jarab vers plusieurs sites où l’association
s’engage pour des Rroms migrants en région parisienne.
IVRY : le courage des solutions
pratiques
Le premier site fut Ivry, dans le 94, ou
l’association de travailleurs sociaux engagés et bénévoles R.A.C.E.D,
partenaire de La Voix des Rroms, construit, contre vents et marées, et surtout
contre l’adversité des autorités municipales et préfectorales, des solutions de
vie pratiques et pragmatiques, avec un groupe de Rroms et non-Rroms migrants de
Roumanie. Il s’agit en effet là-bas d’un
large terrain situé en arrière de la cité populaire Gagarine, où les militants
bénévoles ont construit depuis plusieurs années un lien de fraternité avec
l’ensemble des populations. Ainsi, auto-structuré par ses propres habitants
avec l’assistance amicale des militants le site comprend des habitations
auto-construites, un lieu de culte et une salle polyvalente à vocation
culturelle.
Les habitants de la rue Truillot à Ivry discutent avec
Jan Jarab
Afin d’anticiper la possibilité d’une destruction
prochaine par les autorités publiques de ce qui a été entrepris et construit,
les hommes et femmes de RACED ont pris possession d’un immeuble inoccupé de la
commune où vivent désormais Rroms et non-Rroms, Français et étrangers, adultes
et enfants. Ici, les habitants, ainsi que les militants ont pu longuement
échanger avec M. Jarab qui les a écoutés avec intérêt, en tirant de ces
échanges des renseignements précis sur la réalité de la situation.
Les membres de l’association R.A.C.E.D, partenaire de La voix des
Rroms, expliquent à M. Jarab le fonctionnement de l’immeuble occupé
Saint-Ouen : le « village d’exclusion »
Puis ce fût Saint-Ouen, et ce
qu’il reste du pseudo « village d’insertion » de la Rue de Clichy. Là
en pleine zone de friches, isolés de toute vie urbaine et sociale par des
hectares de terrains vagues clôturés, et dans le voisinage de la plus grande
usine d’incinération de déchets du département, des femmes, des hommes et des
enfants ont décidé de rester dans les caravanes et bungalows, d’où la
Municipalité leur avait donné l’ordre de partir, après qu’elle n’ait pas
renouvelé le contrat qui la liait à l’entreprise d’insertion qui gérait de la
vie des gens.
En effet après cinq ans de
gestion grotesque, soumettant les hommes et les femmes à une réglementation qui
ressemble à l’assignation à résidence ou au semi-internement, le gestionnaire,
qui ne s’est pas vu renouveler les fonds, a mis la clef sous la porte, et les
autorités entrepris d’obtenir de la justice qu’elle force les hommes et les
femmes à quitter sur le champ leur semblant de maison pour retourner aux
hasards de la rue.
Les membres des associations La voix des Rroms et
Rromeurope ainsi que des habitants, décrivent à M. Jarab la situation au
« village d’insertion »
Là, nos partenaires de
l’association RROMEUROPE, qui sont
intervenus avec La voix des Rroms pour empêcher la lâche opération des
décideurs, ont pu également s’entretenir avec M. Jarab.
Afin de forcer les hommes,
les femmes et les enfants à quitter leur habitation, les autorités ont coupé l’électricité
sur le site. Ainsi à l’entrée prochaine de l’hiver, ils sont sans chauffage ni
lumière, ce qui inquiète particulièrement les mères quant à la santé et au
suivi de la scolarité de leurs enfants.
Saint-Denis : le camp ADOMA du Fort de l’Est.
Les membres de la Voix des Rroms ont conduit M. Jarab ensuite
au pseudo- « village d’insertion » du « Fort de l’Est »
administré par l’ancienne SONACOTRA (Adoma)
sur un site propriété du Ministère de la Défense situé sous les remparts du
camp d’entraînement militaire dit Fort de l’Est à Saint-Denis.
Peu auparavant, ce site avait
été visité, sous la conduite des gestionnaires eux-mêmes et des autorités
locales, par M. Laszlo Andor, Commissaire Européen. Les membres de La Voix des Rroms ont contesté le
rapport positif fait par M. Andor.
Là, le délégué régional pour
l’Europe du Commissaire au Droits de l’Homme a pu vérifier par lui-même les
descriptions faites par La Voix des Rroms. Accompagné entre
autres par un jeune membre de l’association résident du dit dispositif, M. Jarab
s’en est vu refuser l’accès par les gardiens au prétexte que : « ici c’est chez Adoma », et que en
vertu de sa réglementation autoritaire, nul autre que les
« hébergés » n’était autorisé à pénétrer dans l’enceinte.
Saint-Denis : le Hanul, l’attente d’un avenir
Avant de reprendre le train
pour Bruxelles, M. Jarab a visité le site dit « terrain Voltaire » où
sont installés les hommes et les femmes qui occupaient jusqu’en 2010 le
quartier du « Hanul ».
L’expulsion du Hanul à l’été
2010 a marqué la première opération très spectaculaire et très médiatisée de la
séquence politico-médiatique, dite l’ « expulsion des Rroms par
Nicolas Sarkozy », qui avait immédiatement succédé au Discours de Grenoble. Opération hypocrite et indigne contre
laquelle l’ensemble de la classe politique de gauche s’était entièrement levée
de concert avec la Commissaire aux
Droits de l’Homme de la Commission Européenne, Viviane Reding, les
instances du Vatican, et déjà l'ONU (Le Comité contre la Discrimination Raciale
– CERD).
Dans ce contexte, La Voix des Rroms était parvenue à
convaincre les autorités locales, opposées à la politique du gouvernement
d’exprimer par les faits et pour l’exemple cette opposition en protégeant les
hommes, les femmes et les enfants du Hanul, de la rue. Un terrain fût alors mis
à disposition par la mairie, puis un second, puis un troisième, ce dernier
fourni par l’Etat grâce à l’action de la ville de Saint-Denis et de la
Communauté « Plaine Commune ».
Trois ans après, ce projet
est en suspens, les hommes et les femmes vivent cependant protégés des
expulsions.
Jan Jarab a remarqué
qu’ « il semble qu’il y avait là la base pour construire un travail social
et politique nouveau, visant une vraie insertion dans la société, dans les
emplois normales, le logement normal».
Ne manque pour cela qu’un
nombre de forces vives elles-mêmes dégagées des préjugés et des vielles
méthodes qui ont jusqu’ici conduit les actions politiques les moins mal
intentionnées, ainsi qu’une véritable volonté politique, c’est-à-dire du courage.
Conclusion :
Le 27 septembre dernier, Jan
Jarab était de retour à Paris, pour participer, à l’Assemblée Nationale, à une
journée organisée par la DIHAL et le préfet Alain Regnier, en présence du
Défenseur des Droits Dominique Baudis. Cette journée visait à faire « le bilan de l’application de la circulaire
du 26 Août 2012, concernant l’accompagnement de l’évacuation des campements
illicites ».
Dans son discours pendant la
journée, M. Jarab faisait remarquer alors qu’il est « inacceptable de dire
que les Roms ne sont pas capables de l’intégration, quand on ne les a pas donné une vrai opportunité de s’intégrer. Je ne pense pas que
les Roms préfèrent vivre dans un bidonville et collectionner les déchets s’ils
ont l’opportunité d’avoir un logement normal et un travail normal.”
A la fin de cette journée qui
rassemblait acteurs institutionnels et membres de la société civile, tous ont
pu constater l’absence de résultat quant à l’action entreprise à l’initiative
du premier ministre Jean-Marc Ayrault. La situation sur le terrain s'aggrave du
fait de la politique d’évacuations de masse conduite par le ministre de
l’Intérieur dans le plus grand mépris de la circulaire qu’il a aussi signée et
dans le mépris de ses collègues du gouvernement et de son supérieur
hiérarchique immédiat M. Jean Marc Ayrault.
Cette journée du 27 septembre
s’est tenue par ailleurs dans un contexte d’une nouvelle poussée
hystérique d’antitziganisme au sein de
la classe politique, largement provoquée par le Ministre de l’Intérieur,
entretenue et excitée par l’ensemble des médias de masse, et diffusée ainsi, à
la façon d’un poison dans l’ensemble de l’imaginaire public.
Que l’instrumentalisation du
racisme antitzigane par la classe politique affaiblisse ou renforce les partis
d’extrême droite n’est pas une question.
L’instrumentalisation du
racisme dégrade l’ensemble de la société française en faisant croître en son
sein l’ignorance et la haine. L’instrumentalisation du racisme éloigne ceux qui
gouvernent de leur mission fondamentale qui est, dans une période de
difficultés économiques et sociales, de maintenir la cohésion entre tous et
d’assurer à chacun les droits humains fondamentaux que sont l’accès au
logement, à l’éducation des enfants, au travail, et à la santé pour tous.
La Voix des Rroms attend du système international de protection des
droits de l’Homme une pression constante,
suivant ses moyens, en direction de la classe dirigeante de la République
Française, afin que cesse dans les plus brefs délais le mécanisme
d’exclusion radicale, d’un groupe racialement caractérisé, de la sphère des
droits humains sur le territoire de France.
Dans les prochains jours, La
Voix des Rroms entend donc saisir le Rapporteur Spécial de l’ONU pour les formes
contemporaines du racisme, en lui demandant de faire un appel urgent envers la
France.
La classe dirigeante
française doit se ressaisir et s’occuper
de sa mission fondamentale : intégrer chacun aux droits humains
universels, quelle que soit sa race, sa religion ou son genre.
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