Monsieur le Président Barroso,
Madame la vice-Présidente Reding,
Monsieur le Premier ministre Ayrault,
Au nom de l'association La voix des
Rroms, une association très présente auprès des Rroms migrants
roumains et bulgares en France, je m'adresse publiquement à vous
afin d'attirer votre attention sur quelques points relatifs au
traitement de cette population.
Comme en 2010, les expulsions
médiatiques de Rroms ont suscité la réaction de la Commission
européenne qui a remis la France sous surveillance. Je tiens ici à
saluer la vigilance et la promptitude de la Commission.
Comme en 2010, cette mise sous
surveillance n'a pas abouti à des sanctions, ce que sincèrement je
ne souhaite pas. Dans une Europe civilisée ce ne sont pas les
sanctions qui doivent impulser le respect des droits humains. Je vous
avoue cependant que, pour avoir fourni personnellement, avec
d'autres, des preuves suffisantes de la violation des règles
européennes lors d'expulsions en 2010, j'ai été déçu qu'elles
n'aient pas été prises en compte dans l'évaluation de la
Commission.
Qu'importe, le changement politique
intervenu en mai dernier en France et l'engagement de M. Hollande
nous donnaient de l'espoir que la situation allait changer.
Malheureusement, ce n'est pas encore le cas et les conditions comme
les termes dans lesquels la question est posée ne présagent pas
dans l'immédiat d'améliorations substantielles. C'est pourquoi je
vous écris cette lettre ouverte, espérant ainsi contribuer à une
réorientation sur certains points.
D'abord, le maintien de l'obligation
d'une autorisation de travail préalable pour les Roumains et les
Bulgares restera un problème y compris après la suppression de la
taxe due par les employeurs et l'élargissement de la liste des
métiers dits «ouverts». Ceci parce que souvent ces migrants vivent
dans de grandes agglomérations, où les services des étrangers dans
les préfectures sont débordés et donc, le traitement des dossiers
est trop long par rapport à leur durée de séjour autorisée et
surtout par rapport aux besoins des employeurs à embaucher
rapidement dans des secteurs tels que le bâtiment, l'hôtellerie ou
l'agriculture. Ainsi donc, je me joins aux souhaits de la Commission
de voir ces les mesures transitoires supprimées le plus tôt
possible.
Ensuite, s'agissant de «l'encadrement
des conditions dans lesquelles les camps sont démantelés »,
sur lequel la Commission se dit prête à soutenir le gouvernement
français, nous vous invitons, gouvernement et Commission, à la plus
grande prudence. En effet, des fonds régionaux européens ont pu
financer des « villages d'insertion » en France, dont M.
Bailly, porte-parole a dit « Reste maintenant à voir le fruit
de ces engagements ». Connaissant de près le mode opératoire
des « villages d'insertion », nous en avons un bilan
négatif qui se base sur des faits facilement vérifiables. Nous en
rapportons publiquement sur un blog :
http://villagedinsertion.blogspot.com
. D'autres acteurs associatifs, dont le collectif Romeurope, après
une période de divergence sur cette évaluation, fait aujourd'hui le
même constat d’inefficacité.
D'autres méthodes sont testées
actuellement, qui associent pleinement la population concernée,
comme dans la ville de Saint-Denis en région parisienne. Une
délégation composée de parlementaires européens et de
fonctionnaires de la Commission européenne a visité ce projet lors
d'une visite en 2011 et a pu constater que l'implication directe des
personnes concernées faisait la différence en termes de coûts mais
surtout en termes de réussite, car les personnes s'approprient le
projet. Aussi, une telle méthode constitue une prévention du
racisme, dans la mesure où les Rroms ne sont pas présentés comme
des profiteurs de politiques sociales et donc de l'argent du
contribuable, mais bien comme des acteurs de leur intégration. Nous
et nos partenaires institutionnels et associatifs nous tenons prêts
à nous associer à la réflexion et au travail commun qui devrait
permettre la normalisation des conditions de vie de cette petite
partie des Rroms en France tout en évitant sa stigmatisation ou sa
mise sous tutelle par telle ou telle catégorie de professionnels du
travail social.
Enfin, je note la volonté du
gouvernement français d'inscrire à l'ordre du jour du prochain
conseil de l'Union européenne la question des Rroms et je souhaite
qu'elle y soit posée dans des termes différents de ceux du deuxième
sommet européen sur les Rroms, qui par ailleurs s'est révélé d'un
résultat plus que médiocre, au grand dam des promoteurs de
politiques sécuritaires. Nous avons participé aux travaux de
RANELPI en 2000 et souhaitons toujours l'adoption par l'Union de la
proposition d'un statut-cadre
des Rroms dans l'Union européenne. Cette proposition, qui
concentre l'expérience de plusieurs dizaines de spécialistes et
d'activistes à travers une quinzaine d'Etats européens reste à ce
jour le programme le plus complet en la matière. Nous vous invitons
vivement à l'examiner et à l'adopter dans la forme la plus
appropriée afin qu'il serve de guide à l'action de l'Union
européenne et de ses Etats membres.
Nous restons convaincus que, au niveau
français comme au niveau européen, rien de positif ne se fera sur
nous, sans nous. C'est pourquoi vous assurons de notre volonté de
dialoguer et de contribuer à la recherche de solution justes et
dignes aux problèmes qui se posent pour un certain nombre d'entre
nous. Prêts à assumer notre part de responsabilité dans ces
processus, nous vous demandons de nous y associer en égalité avec
les autres acteurs.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le
Président, Madame la vice-Présidente, Monsieur le Premier ministre,
l'expression de ma très haute considération.
3 commentaires:
Bonjour, Madame Voix
Tout d'abord, je voudrais saluer la maladresse de nos politiciens: lever partiellement des mesures par nature transitoires (et accordées comme une faveur par l'Europe) génère de l'impopularité, qui sera regénérée lors de la levée totale, conforme aux engagements de politiciens précédents. Lever totalement ces mesures transitoires n'aurait pas généré plus d'impopularité et aurait été plus efficace.
Un exemple d'impopularité générée est dans http://www.leparisien.fr/reactions/faits-divers/une-note-confirme-l-explosion-de-la-delinquance-roumaine-23-08-2012-2134338.php qui présente comme d'actualité, en 2012, des "statistiques" - à l'époque saluées comme hilarantes du fait de leur méthodologie- déjà présentées au Parisien Libéré par Monsieur Guéant en septembre 2011...
La question de l'"employabilité" des Roms qui ne peut être éludée se situe à un double niveau:national et européen.Il est important d'insister sur cette dimension européenne des obstacles à l'intégration des Roms (des accords ont été passés)car il y a eu malgré tout quelques avancées grâce à la ministre du logement d'ailleurs (Cécile Duflot).
J'aime bien C. Duflot mais je ne vois pas de quelles avancées vous parlez. Sinon, le maintien des mesures transitoires n'est pas à cause de l'Europe, mais de la France. L'Europe reconnait à chaque pays la possibilité de restreindre le droit au travail, mais n'oblige à rien.D'ailleurs, elle a recommandé qu'on ouvre ce droit, mais n'a pas été entendue
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